12. Marque Biarritz

L'intérêt de déposer une marque pour une collectivité est particulièrement important, en particulier pour une commune ou un EPCI (établissement public de coopération intercommunale) situé dans une zone touristique. Le dépôt et l'exploitation de la marque « Biarritz – Côte Basque » était une nécessité pour la promotion de notre beau pays, mais également pour s'assurer que certains ne profitent de la renommée de nos collectivités de façon abusive.


En effet, le nom d’une collectivité n’est pas en soi « indisponible » et peut faire l’objet d’un dépôt de marque ou être utilisé à titre de dénomination sociale ou nom de domaine sur Internet. Cela s’explique par le fait qu’une collectivité n’a pas, en principe, vocation à commercialiser des produits et services directement, sous sa propre marque ou dénomination et que son nom doit rester libre d’usage pour ses administrés. Cependant, ces usages peuvent parfois se révéler trompeurs pour les consommateurs ; ou se révéler incompatibles avec les intérêts de la collectivité ou de ses administrés. C’est pourquoi la loi et la jurisprudence ont prévenu les usages abusifs.


Les textes sur la propriété intellectuelle visent à préserver l’équilibre entre la nécessaire protection qui doit être accordée aux titulaires de droits portant sur leurs créations et/ou permettant d’identifier leur activité économique et les libertés de création et d’entreprise qui seraient bridées si une portée trop générale était accordée à ces premiers droits. En effet, afin de lutter contre l’appropriation ou l’utilisation inappropriée par un particulier ou une entreprise du nom d’une collectivité territoriale, les magistrats n’hésitent pas à sanctionner ces comportements.

Les tribunaux condamnent aussi l’utilisation frauduleuse du nom d’une collectivité territoriale pour un nom de domaine. Ainsi, la Cour d’appel de Montpellier, par un arrêt du 16 octobre 2008, a sanctionné le dépôt d’un nom de domaine laissant croire au public qu’il s’agissait d’un site officiel d’une commune.

Toutefois, l'arsenal juridique n'a pas empêché l'affaire «Laguiole» qui a défrayé la chronique judiciaire.

Un entrepreneur parisien avait déposé 27 marques reprenant le terme « Laguiole », du nom de la commune de l’Aveyron, essentiellement connue pour ses couteaux. Ces marques étaient déposées pour des produits aussi divers et variés que des stylos, des rasoirs ou des barbecues pour la plupart importés de Chine. Il y avait tromperie sur la marchandise et atteinte « à la renommée de la collectivité territoriale » au sens de l’article L.711-4 h du Code de la Propriété Intellectuelle. Cette commune perdit devant la Cour d’Appel de Paris. La Cour d'appel considérait que le nom de Laguiole n'était pas assez connu du grand public pour créer un risque de confusion avec les marques en cause. Par un arrêt du 4 octobre 2016, la Cour de Cassation a cassé cette décision, estimant au contraire que l’utilisation du nom de cette commune, petite, mais connue de la moitié des Français, était susceptible d’induire le consommateur en erreur sur l’origine des produits couverts par la marque. De plus, les dépôts étaient frauduleux dès lors qu’ils visaient à priver la commune « et ses administrés » d’un nom nécessaire à leur activité.

Ainsi une collectivité dispose de différents recours pour faire annuler des dépôts de marque reprenant de façon illégitime leur nom.

En premier lieu la collectivité peut agir en nullité de la marque litigieuse, sur le fondement de l’article L.711-4 h du Code de la Propriété Intellectuelle, en établissant une atteinte à son nom, à son image, ou à sa réputation. Mais, la jurisprudence exige la difficile démonstration d'un préjudice résultant soit de l’usage, soit de l’existence même de la marque. Ainsi, la marque « Paris l’été » a été annulée, car elle portait préjudice à la Ville de Paris qui organise l'été l'opération « Paris Plages » et le public pouvait être trompé en raison de l’apparence officielle du produit ou du service.


Par ailleurs, sur la base de l'art. L.711-3 du CPI, la collectivité peut faire valoir le caractère trompeur de la marque, dès lors que le signe choisi « est de nature à tromper le public sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou service ». Dans ce cas, la collectivité peut soit adresser des observations à l’INPI, soit agir en justice en nullité de la marque, dans le délai de 5 ans.


De même, l’article L.121-2 du code de la consommation, relatif aux « pratiques commerciales trompeuses » peut être invoqué pour aboutir à une interdiction d’usage de marques reprenant de façon indue des noms de collectivités, lorsque les produits ou services vendus sous cette marque sont sans lien avec la collectivité.


Enfin, une action en concurrence déloyale ou parasitaire peut être exercée en cas d’usage d’une marque qui nuirait aux intérêts d’une collectivité, ou qui chercherait à tirer indûment profit de sa réputation. Cependant, cette action suppose de démontrer l’existence d’un préjudice pour la collectivité.


Par ailleurs, les collectivités ont intérêt à être vigilantes quant à la reprise de leur nom comme nom de domaine. La loi interdit de réserver un nom de domaine reprenant à l’identique le nom d’une collectivité territoriale, « sauf si le demandeur justifié d’un intérêt légitime et agit de bonne foi », par exemple en cas d’usage non commercial. Les collectivités disposent ainsi d’un recours puissant contre les cas de « cybersquatting » de leur nom sur Internet.


Depuis la loi du 17 mars 2014 et le décret du 15 juin 2015, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) bénéficient d’une procédure d’alerte pour les demandes d’enregistrement de marque contenant leur dénomination. Ce service, gratuit de l’INPI, leur permet de recevoir des alertes lorsqu’un dépôt de marque contient leur dénomination et de former opposition dans un délai de 2 mois à compter de la publication de la marque. La procédure a été mise en place par les nouveaux articles D712-29 et D712-30 du CPI, qui prévoient qu’une alerte est émise par l’INPI dans les cinq jours ouvrables suivant la publication du dépôt d’une demande d’enregistrement de la marque contenant la dénomination de la collectivité ou le nom de pays concerné.